De 1966 à 1979, un homme a régné seul sur la Centrafrique, cet homme est Jean-Bedel Bokassa, un ancien militaire qui accéda au pouvoir par un coup d’État. 

Bokassa est un personnage complexe qui a été au cœur de nombreuses affaires et rumeurs loufoques.

Au cours de cet article, nous allons revenir sur sa vie, d’abord en le présentant brièvement, puis en détaillant les nombreuses histoires qui l’entourent. 

Présentation du personnage :

Jean-Bedel Bokassa est né le 22 février 1921 en Oubangui-Chari, une ancienne colonie française qui est aujourd’hui nommée République Centrafricaine. 

Il grandit dans une famille modeste, vivant dans un petit village. Il perd ses parents à l’âge de 10 ans et sera élevé par son grand-père. En 1939, il arrête l’école pour rejoindre l’armée française, il sera sergent dans les Forces Françaises Libres et participe au débarquement de provence en août 1944. Après la guerre, il continuera de servir pour la France, il combattra en Indochine et en Algérie, puis recevra la légion d’honneur et la croix de guerre, ce qui fait de lui un militaire expérimenté et reconnu. 

bokassa armée Mais en 1959, son cousin, Dacko, devient le premier président de la très jeune Centrafrique, il appelle ainsi Bokassa pour qu’il réorganise l’armée, il sera d’abord nommé colonel puis chef d’état major. 

dacko et bokassa

Les années passent et les relations se détériorent entre les deux cousins, Bokassa trouvait que le régime était miné par la corruption (comique quand on sait ce qu’il a fait après), et Dacko était proche de la Chine communiste, alors que Bokassa n’était pas partisan de cette idéologie. Ainsi en 1966, avec l’aide de son armée, Bokassa prend le pouvoir par un coup d’État, il prend possession du palais présidentiel, destitue Dacko et se proclame président.

Durant son règne, Bokassa a exercé un pouvoir absolu sur son pays, en arrêtant tout opposant et en formant un culte de la personnalité autour de lui. Comme son prédécesseur, son régime baigna dans la corruption, il détournait l’argent public et créait des taxes et des impôts pour voler l’argent du peuple.

Bokassa s’est donc fortement enrichi durant son règne, et comme tout homme bien trop fortuné, il a souvent dépensé des sommes astronomiques dans tout et n’importe quoi, comme lors de son couronnement.

Le couronnement impérial de Bokassa :

En 1976, 10 ans après son arrivée au pouvoir, Bokassa dissout le gouvernement, il élabore ensuite une nouvelle constitution et instaure la monarchie, son pays devient “l’Empire centrafricain”. Il s’auto-proclame ainsi Empereur, le titre complet est “ Empereur de Centrafrique par la volonté du peuple centrafricain, uni au sein du parti politique national : le MESAN” (Le MESAN est le Mouvement pour l’Evolution Sociale de l’Afrique Noire). 

Afin de montrer sa grandeur, le nouvel empereur organisa un sacre grandiose, il s’inspira du sacre de Napoléon, dont il était un grand fan. Bokassa était également très proche de la France, et le système de la Françafrique, un système post-colonial qui a permis à la France de garder un pouvoir dans les affaires de ses anciennes colonies, fonctionnait grandement grâce à lui, car il acceptait de coopérer avec la France. 

La France a donc approuvé le projet de couronnement de Bokassa et l’a même aidé pour la cérémonie, Giscard d’Estaing, alors président au moment des faits, craignait surement de contrarier Bokassa s’il refusait, et donc de perdre son pré-carré en centrafrique. 

Sa proximité avec la France permit à Bokassa de convoquer des artisans Français afin de confectionner des pièces de son couronnement, comme son trône, qui fut réalisé par le sculpteur Olivier Brice. Le trône du futur empereur était fait de bronze doré et son siège était en velours rouge et un grand aigle d’or avec les ailes déployées gisait au dessus du trône. Ce dernier pesait plus de 2 tonnes et a couté près de 2,5 millions d’euros. 

trône

Il fit également construire un carrosse afin de parader dans les rues de Bangui, on y retrouve à l’intérieur du velour et de l’or, il sera tiré par 8 chevaux blancs achetés en Belgique.

Bokassa commanda également de nombreux attributs impériaux, comme une bague avec un diamant dessinant les contours de l’Afrique. Ce diamant, qui était en réalité un diamant de basse qualité valant 500 dollars, fut présenté à Bokassa comme unique, ce dernier l’acheta pour plus de 500 000 dollars.

Pour son costume impérial, Bokassa fit appel à la société Guiselin, qui avait par le passé réalisé les costumes de Napoléon 1er. La tenue se compose d’une longue toge ornée de milliers de perles et d’un manteau de 9 mètres de velours, l’ensemble coûte près de 145 000 dollars. 

tenue

Un tel couronnement s’accompagne forcément d’un grand banquet, Bokassa commanda près de 240 tonnes de nourritures et de boissons pour satisfaire ses invités, on compta près de 40 000 bouteilles de vin, mais également 24 000 bouteilles de champagne de la marque Moët & Chandon, estimé à près de 100 dollars chacune. 

Enfin, pour que les nombreux dignitaires étrangers puissent se déplacer à Bangui, Bokassa acheta près de 60 Mercedes neuves. 

Lors de la cérémonie, un orchestre de la marine française fut convié, et Giscard d’Estaing fit livrer une épée Napoléonienne pour l’empereur, cette dernière lui sera remise lors de la cérémonie, symbole de l’union entre les deux pays. 

Bokassa sera donc couronné le 4 décembre 1977, il prêtera serment au peuple centrafricain et plaça lui-même sa couronne sur sa tête, symbole ironique du pouvoir qu’il est le seul à incarner et à soutenir.

couronne En tout, le montant total de la cérémonie s’élève à 22 millions de dollars, ce qui représente le quart du PIB annuel du pays à l’époque. La moitié des dépenses furent payées par la France en échange de la rupture des relations entre la Centrafrique et la Libye. 

L’affaire des diamants :

On l’a vu lors du couronnement impérial, la France eut une bonne relation avec la Centrafrique, et surtout avec Bokassa. Giscard d’Estaing et Bokassa se rencontrent en 1970 aux obsèques de De Gaulle, puis ils se reverront 3 fois avant que Giscard soit élu président en 1974 (il était alors ministre des finances). Après son élection, Giscard intensifia les relations afin de préserver le système de la Françafrique, et il reçut de l’ivoire et des diamants de la part de Bokassa en guise d’amitié.

bokassa et giscard

Cependant, à partir de 1979, les relations prennent un autre tournant après que des troubles aient été violemment réprimés par Bokassa, causant la mort d’une centaine d’écoliers. Après cet incident, le ministère de la coopération (ancien ministère qui s’apparente à celui des affaires étrangères mais axé sur les anciennes colonies) suspend l’aide française envers la centrafrique.

Giscard souhaitait le départ de Bokassa, deux opérations françaises vont être mises en place, l’opération Caban et l’opération Barracuda, dont le but est de destituer Bokassa et de le remplacer par Dakho, l’ancien président et nouveau pion Français. Ses opérations ont lieu en septembre 1979, Bokassa fuit alors en exil en Côte-d’Ivoire. 

Cela aurait pu être la dernière affaire médiatique de Bokassa, mais le 10 octobre 1979, moins d’un mois après l’opération Barracuda, le canard enchaîné publie un article dans lequel ils accusent Giscard d’Estaing, alors chef de l’État, d’avoir reçu à plusieurs reprises des diamants de la part de Bokassa. 

article

VGE aurait reçu une plaquette de diamant de 30 carats estimée à 1 million de francs de la part de Bokassa en 1973, alors qu’il était ministre des finances. D’autres diamants auraient également été livrés au président entre 1970 et 1975. On reproche ici à Giscard de s’être enrichit personnellement grâce aux cadeaux d’un dictateur Africain, mais également d’avoir été corrompu, et d’avoir soutenu Bokassa grâce aux cadeaux faits par ce dernier. 

Giscard niera totalement les accusations, il essaya tant bien que mal de calmer l’affaire pour qu’elle ne gâche pas sa campagne présidentielle pour les élections de 1981, mais c’était déjà trop tard. En 1980, le canard enchaîné continue d’alimenter l’affaire en publiant un enregistrement téléphonique de Bokassa réaffirmant lui avoir donné des diamants à quatre reprises.

téléphone bokassa

L’ancien dictateur cherchait alors une vengeance, il voulait abattre celui qui l’avait fait chuter.

Cette affaire eut un fort impact dans la campagne de Giscard, et elle fut utilisée par ses opposants, notamment les directeurs de campagne de Mitterrand, afin de la discréditer. Ils font paraître des caricatures du président avec des diamants à la place des yeux, le tournant ainsi au ridicule.

affiche campagne

Bokassa continue sa vengeance contre le président sortant, 2 jours avant le second tour des élections qui opposaient Giscard à Mitterrand, il donna une interview pour le Washington post en réaffirmant l’histoire, il déclara enfin “je l’ai ai gâtés, ils sont pourris”.

Ainsi, le 10 mai 1981, VGE perd les élections contre Mitterrand, qui devient alors le premier président de gauche de la 5ème république.

La tentative d’escroquerie de Bernard Tapie envers Bokassa:

L’année 1979 ne fut pas la meilleure pour Bokassa, peu après avoir été renversé par les forces françaises, il fut la cible d’une tentative d’escroquerie de la part de Bernard Tapie. Ce dernier s’est servi de sa récente rupture avec la France pour l’amadouer, il fait croire à Bokassa qu’il est envoyé par l’Élysée et que le fisc souhaite saisir ses biens en France, Tapie lui propose alors d’acheter ses biens à prix cassé afin qu’ils ne soient pas saisis. L’empereur est désemparé, il accepte et lui cède ses hôtels et ses châteaux pour moins de 2 millions d’euros.

Malgré tout, Bokassa finira par se rendre compte de l’arnaque et traînera Tapie devant la justice, il sera condamné à 100 000 francs d’amende et la vente sera annulée. 

Les soupçons de cannibalisme :

Durant toute sa vie, de nombreuses rumeurs ont tourné autour de Bokassa, notamment celle disant qu’il était cannibal. C’est une étiquette qui le suivra tout au long de sa vie, un procès fut organisé en 1987 par Philippe Linguissa, un homme se disant ancien cuisinier de Bokassa et à qui l’empereur avait demandé de nettoyer et de cuisiner un corps humain.

D’autres rumeurs racontent que pendant son couronnement, Bokassa se serait tourné vers Robert Gallay, ministre Français de la coopération, et lui aurait chuchoté “vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais vous avez mangé de la chair humaine”. Malgré que ces rumeurs n’aient jamais été confirmées, de nombreux journalistes et anciens cuisiniers affirment que l’empereur possédait des frigos remplis de viande humaine, il a toujours nié mais cette réputation de cannibale lui valût le surnom de “l’ogre de Berengo”. 

cannibalisme

Bokassa et les femmes :

Comme de nombreux dictateurs puissants, Bokassa s’est servi de son pouvoir et de son argent pour séduire, ou du moins acquérir de nombreuses femmes. Durant sa vie, Bokassa aurait eu près de 30 épouses, avec qui il eut près de 54 enfants. L’empereur eut également de nombreuses maîtresses qu’il plaçait dans des villas. Certains hommes de Bokassa étaient payés pour aller repérer des femmes et les présenter à l’empereur, si ces dernières étaient à son goût, elles devenaient ses maîtresses en échange d’argent. 

Un homme raconte qu’un jour, la garde impériale est venue chez lui pour “saisir” sa copine et la ramener à Bokassa, elle ne voulait pas mais a quand même accepté par peur des représailles.